
Si l’installation des premiers airbags en 1973 avait pour objectif de protéger les conducteurs et passagers lors d’une collision, et ainsi leur éviter de percuter violemment certains accessoires de la voiture, la course au profit aura finalement transformé ce dispositif de sécurité en une véritable arme létale.
En effet, plusieurs dizaines de décès et des centaines de blessés sont aujourd’hui recensés à travers le monde en raison du déploiement d’airbags défectueux commercialisés au cours des dernières décennies.
Il est désormais établi que les airbags de la Société TAKATA, fabriqués par l’entreprise éponyme, ont provoqué — et continuent de provoquer — de graves blessures pouvant conduire à la mort.
À ce jour, 18 décès (dont 16 en Outre-mer) et 25 blessés sont recensés en France, conséquence directe du déclenchement de ces airbags défectueux.
• L’ouverture de la première procédure d’instruction en France
Parmi les 18 décès recensés en France, 16 ont eu lieu en Outre-mer, où chaleur et humidité aggravent l’instabilité du nitrate d’ammonium. L’île de La Réunion, particulièrement exposée, a malheureusement enregistré plusieurs drames.
C’est le cas de Sébastien, 37 ans, victime de l’explosion de son airbag le 5 mai 2020 à seulement 40 km/h.
Les conséquences ont été dramatiques : traumatisme crânien avec hémorragie frontale, traumatisme facial massif avec fractures multiples, notamment de la mandibule et du rocher droit, déchirure du pavillon de l’oreille, fracture de la paroi antérieure du conduit auditif ayant provoqué son comblement etc.
Ce dernier témoignait : « j’ai su que le volant de la voiture a été projeté dans mon visage. Il m’a brisé la mâchoire inférieure en mille morceaux. J’ai d’ailleurs toujours onze vis dans la bouche. L’impact a été si violent que des nerfs ont été sectionnés. Des parties de mon visage n’ont plus de sensibilité (…) j’ai reçu des projectiles qui ont arraché mon oreille gauche car ce sont des fibres de métal super tranchantes. Pour parler franchement, mon oreille pendait » (JiR papier du 17 mars 2023, article Eric Lainé).
Une campagne de rappels effective aurait pourtant permis d’éviter cet énième drame.
Défendu par le cabinet MCC Avocat, Maitre Céline CABAUD, avocate au barreau de SAINT DENIS DE LA REUNION (MONTROQUEFEUIL) Sébastien a obtenu la mise en examen du distributeur BMW de La Réunion pour violation délibérée d’une obligation de sécurité, une première en France.
Il espère désormais que la lumière soit faite sur les responsabilités de chacun.
• Une procédure de rappel tardive mais actuellement en cours
Face à la multiplication d’incidents souvent dramatiques et à l’inertie des constructeurs et de leurs mandataires, le Ministère chargé des transports a tardivement mais finalement pris plusieurs arrêtés afin de leur imposer des rappels élargis et accélérés pour les airbags TAKATA les 9 avril et 29 juillet 2025.
Les constructeurs automobiles ou leurs mandataires sont désormais contraints d’engager, de façon effective, par l’envoi postal d’un courrier, de procéder aux rappels nécessaires portant sur les véhicules concernés.
L’article 3 de l’arrêté du 9 avril 2025 précise que « le remplacement des airbags est gratuit pour le propriétaire du véhicule ».
Un « stop drive » est également imposé concernant certains véhicules dont le certificat d’immatriculation mentionne certaines adresses notamment celles sur l’île de la Réunion (article 4 de l’arrêté du 9 avril 2025).
Lorsque le remplacement des airbags ne peut être effectué immédiatement, il convient que soit proposé au propriétaire du véhicule et au plus tard dans un délai de 3 jours :
– Au moins un créneau de rendez-vous pour remplacer gratuitement les airbags concernés, dans un délai de deux mois ;
– Un véhicule de courtoisie ou le financement complet d’un véhicule de location ou d’un moyen de transport alternatif, si la date du créneau est distante de plus de quinze jours.
Étant précisé que le dépassement de ces délais devrait entraîner une astreinte de 1.000,00 euros par jour de retard et par véhicule concerné (article 11 de l’arrêté du 9 avril 2025).
Concernant le territoire de la Réunion spécifiquement, il sera précisé que le propriétaire du véhicule doit se voir systématiquement proposer (article 12 de l’arrêté du 9 avril 2025) :
– Le remplacement, à titre gratuit, des airbags à son domicile ou à tout lieu de son choix distant de moins de 50 km ;
– Le transfert, à titre gratuit, de son véhicule vers le lieu de remplacement, puis du lieu de remplacement vers son domicile.
Dès lors, il est impératif que chaque propriétaire de véhicule vérifie régulièrement s’il n’a pas été destinataire d’un tel courrier d’alerte.
En tout état de cause, et en l’absence d’information à cet égard, il reste primordial de s’assurer de l’absence d’airbag défectueux dans votre véhicule.
Pour ce faire, il suffit se rendre sur le site internet du constructeur du véhicule et de s’équiper du numéro d’identification de celui-ci (VIN) qui se trouve :
– Sur la carte grise (à côté de la lettre E) ;
– Sur le tableau de bord côté conducteur ;
– Sur le carnet d’entretien/garantie ;
– Sur la plaque constructeur sur le pare-brise.
Dans le cas où votre véhicule serait concerné par la campagne de rappel, il convient que vous vous rapprochiez urgemment d’un réparateur/garagiste de la marque de votre véhicule afin que le changement d’airbags soit effectué gratuitement.
Si cette solution semble relativement satisfaisante quant aux moyens mis en œuvre pour changer les airbags défectueux dès lors qu’aucun accident n’est encore intervenu, encore faut-il que les propriétaires des véhicules soient informés du risque encouru.
En outre, la question de l’indemnisation des victimes reste entière.
En effet, contrairement aux États-Unis où le Department of Justice a prévu un fonds d’indemnisation alimenté par l’amende d’un milliard de dollars infligée à la Société TAKATA, aucune décision similaire n’a encore vu le jour en France.
Raison pour laquelle, avec la première mise en examen en France qui a eu lieu, les victimes de ces incidents ou futures victimes, ont enfin un espoir de voir changer les choses durablement. Le Cabinet MCC AVOCAT se tient à votre disposition pour toute procédure à mener.
Pour aller plus loin.
A l’origine ?
• Un désastre industriel sans précédent dans le milieu automobile
Le choix par l’équipementier japonais dans les années 1990 d’utiliser du nitrate d’ammonium comme agent propulseur, dans le but de réduire ses coûts de production.
Or, cette substance hautement instable est la même que celle qui a causé les explosions dramatiques du port de Beyrouth en 2020.
Cette réduction d’environ 10 % des coûts a certes accru la rentabilité des airbags TAKATA mais elle a aussi révélé très rapidement les dangers du procédé : l’explosion de nombreux airbags entrainant la projection des fragments métalliques dans l’habitacle.
À l’issue d’une enquête menée par le gouvernement américain, la Société TAKATA a reconnu en 2017 sa culpabilité pour fraude et a été condamnée à une amende d’un milliard de dollars, avant de déclarer faillite la même année.
En revanche, aucune enquête de ce type n’a été engagée en France, et aucune liste officielle de véhicules potentiellement dangereux n’a été transmise aux conducteurs.
D’après le constructeur HONTA, la première explosion d’un airbag TAKATA aurait été enregistrée en 2004 en ALABAMA (ETATS-UNIS).
Par la suite, les accidents se sont multipliés sur le territoire américain, entraînant au moins 27 décès et 400 blessés.
Certains ingénieurs de la Société TAKATA avaient pourtant préconisé, dès 2004, une campagne de rappels.
Dix ans plus tard, en 2014, deux lanceurs d’alerte internes — David Schumann et Kevin Fitzgerald — ont également alerté publiquement sur les risques.
Rien n’a pourtant été organisé sur le territoire français pour protéger les utilisateurs.
En parallèle, une enquête a été menée par le constructeur HONDA et la NHTSA (l’agence fédérale américaine de la sécurité routière) et a mis en évidence la dissimulation volontaire par la Société TAKATA d’informations relatives aux dysfonctionnements majeurs des capsules de gonflage utilisées.
Suite à la condamnation de la Société TAKATA qui reconnaissait ses torts, une intense campagne de rappels a alors été effectuée sur le territoire américain.
Ce ne sont pas moins de 42 millions de véhicules américains qui ont été rappelés par FORD, GENERAL MOTORS ou CHRYSLER, constituant ainsi le plus gros rappel automobile des USA.
Des campagnes identiques ont été réalisées en Chine, en Corée, en Malaisie, au Japon ainsi qu’en Australie.
A l’inverse, aucune autorité n’imposait de telles mesures aux constructeurs en France et ce, alors même que les accidents mortels se sont multipliés en Outre-Mer ces dernières années.
Ce n’est que le 7 janvier 2025, soit plus de huit ans après la condamnation de la Société TAKATA, qu’une première liste officielle a été publiée par le gouvernement.
Aujourd’hui, cette liste pointe du doigt l’utilisation des airbags tueurs par une trentaine de constructeurs : AUDI, BMW, CADILLAC, CHEVROLET, CHRYSLER, CITROEN, DAIHATSU, DODGE, DS, FERRARI, FORD, HONDA, JAGUAR, JEEP, LANCIA, LAND ROVER, LEXUS, MAZDA, MERCEDES, MITSUBISHI, NISSAN, OPEL, PEUGEOT, SEAT, SKODA, SUBARU, SUZUKI, TESLA, TOYOTA, VOLKSWAGEN.
Au total, plus de 200 modèles de voitures sont touchés.
Ce sont désormais 2,5 millions de véhicules qui seraient ainsi concernés par un rappel, dont 1,7 million qui devraient être immobilisés par une mesure de « stop drive », compte tenu du danger extrême identifié.
Le Ministère chargé des transports ainsi que les préfets d’Outre-Mer ont finalement lancé une campagne d’informations à destination des automobilistes au cours de l’année 2025.
Un nouvel accident mortel est d’ailleurs survenu le 11 juin 2025 en métropole, soit le deuxième en France hexagonale, après celui de novembre 2023.
Il est grand temps que cette catastrophe prenne fin et de protéger nos conducteurs.